Valeurs Actuelles. ZFE, ça va mal finir, sauf si…
Ah ça ira, ça ira… Jusqu’où ? Monsieur Macron avait promis d’être fidèle à la société civile en marche, mais il y a manqué. Il flotte dans notre pays à vif, sinon un petit air de révolution, la symphonie d’un ras-le-bol. Le ras-le-bol intégral de la culture du mépris qui suinte de l’étatisme triomphant. Mépris effarant d’un petit peuple lassé d’assister au pathétique spectacle du déclassement de son pays et du déclin de sa nation. Mépris d’une administration jacobine déconnectée qui transforme les citoyens qu’elle doit servir en suspects qu’elle entend poursuivre. Et si, par un heureux hasard de circonstances, un citoyen ne se trouve pas en dehors du cadre punitif, la technocratie normophile se charge de lui inventer une nouvelle obligation, une nouvelle règle inédite comme si elle se relégitimait en fabriquant des coupables à l’infini.
S’engager en politique, c’est avoir le désir viscéral de régler les problèmes, pas d’en inventer — comme si les citoyens en manquaient ! C’est avoir la fièvre de proposer à ses concitoyens de rêver ensemble, d’avancer ensemble, de construire ensemble. C’est l’essence même de la nation. Or, à quoi assiste-t-on ? À une normalisation de la vie de chacun, ne tenant plus compte des singularités, des aspirations, des envies légitimes d’épanouissement. Les petits hommes en gris qui savent pensent pour vous, réglementent pour vous ! Jadis, la bourgeoisie avait formulé cette catégorie de gens : les gueux, instaurant une règle nouvelle, n’hésitant pas à utiliser ce peuple pour fomenter une révolte qui conduisit à la décapitation d’un roi lorsque ce dernier envisagea d’instaurer plus d’équité.
L’administration dominatrice
Tous égaux ? C’était la promesse de la République. Les ZFE ont instauré une rupture d’égalité bénie par la loi, bientôt imposée par la police. Tous égaux, oui, mais pas tous similaires.
La bourgeoisie économique n’a pas disparu, mais même elle s’est fait surpasser dans son ambition de pouvoir par une catégorie bien plus nébuleuse : l’administration dominatrice, hors-sol, possédée par ses propres ambitions et valeurs qui ne sont plus celles du peuple.
L’administration censée appliquer le choix politique — c’est-à-dire issu de la volonté du peuple — se comporte dès lors comme une autorité au service d’un seul homme, n’hésitant pas à ignorer le seul représentant de la nation : le parlementaire. Nous ne sommes plus ni entendus, ni respectés, et notre faute à certains est aussi grande : à vouloir plaire aux élites, nous en avons oublié le sens même de la représentation nationale : nous ne sommes que des élus de la nation, par la nation, pour la nation.
Il suffit de sillonner nos départements pour constater qu’un combat permanent, pugnace, se mène entre les maires et les habitants face à la norme. La norme, cet intouchable concept qui entend rendre les citoyens identiques plutôt que de les rendre égaux. Le citoyen est aujourd’hui un coupable qui s’ignore (mais que l’administration, elle, n’ignore pas), dépossédé de sa vie, continuant de travailler, toujours plus, d’investir, toujours plus, par peur du déclassement qu’on lui exhibe comme une gousse d’ail à un vampire.
Un citoyen est aujourd’hui un individu méprisé qu’on observe par drone pour vérifier qu’il ne plante pas un arbre sans une autorisation de l’administration, un individu qui doit perdre un morceau de sa vie à « surfer » dans une multitude de sites officiels, pour une carte d’identité, une carte grise, un passeport, consulter ses impôts, son URSSAF, sa sécu… Le citoyen est ainsi plongé dans la dématérialisation censée « faciliter les démarches » mais qui ne fait que faciliter la tâche de l’administration, une administration qui, après s’être débarrassée du citoyen, s’affranchit aujourd’hui du politique, au nom de la continuité. La continuité du service public, principe de valeur constitutionnelle (décision 79-105 DC du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1979), qui repose sur la nécessité de répondre aux besoins d’intérêt général sans interruption.
Mais qu’est devenu l’intérêt général ?
Mais qu’est devenu l’intérêt général ? L’intérêt des élites qui veulent se protéger des pauvres dans des ZFE étanches, des dirigeants au détriment de ceux qui font l’intérêt général. À l’Office national des forêts (ONF), on supprime les techniciens des forêts. À l’hôpital, au nom de la rentabilité, on emploie des cadres administratifs pour réduire le nombre de soignants. Dans les services préfectoraux, des impôts, de la sécurité sociale… dans tout ce qui est nécessaire, mais surtout obligatoire à chaque citoyen, la bureaucratie s’engorge. Les agents de proximité s’évaporent et, chaque fois, c’est au citoyen de s’adapter, de consacrer du temps de sa vie à pallier la défaillance de l’État, pour quoi ? Pour répondre à la norme reine, la loi punitive, la réglementation tatillonne. Et quand, avec peine, il parvient à répondre à ces exigences, la technocratie crée de nouvelles contraintes.
Ce ras-le-bol, c’est celui de citoyens qui se sentent harcelés au quotidien par une gouvernance qui, derrière ces injonctions multiples et répétées, étouffe le quotidien et abat les aspirations de liberté. Et le risque démocratique est grand. Dans les communes, les maires renoncent de plus en plus à assurer leur fonction face à une réglementation de plus en plus dingo, à un code rural passé de 750 à 3 650 pages en 20 ans. D’une réglementation qui devrait fixer les interdits, nous sommes passés à une réglementation qui définit ce qui est autorisé, si bien que plus personne, aujourd’hui, n’est certain de ne pas être dans l’illégalité.
Monsieur Macron avait aussi promis de réduire le nombre de lois, mais il y a aussi manqué
Monsieur Macron avait aussi promis de réduire le nombre de lois, mais il y a aussi manqué. Il y a manqué parce que depuis huit ans, la Bastille de la Monarchie s’appelle Bercy. Parce que depuis huit ans, le citoyen français doit être le serf de la République, de la croissance, de l’idéologie d’un homme passé des écoles privées aux bureaux de Rothschild, qui n’a jamais foulé le sol de France sans chauffeur, garde du corps et un public choisi, et qui ne connaît pas le pays, ne connaît pas les Français et ne peut donc pas avoir conscience de ce qu’est l’esprit de nation. Ni la fierté de son pays et de son terroir. Emmanuel Macron n’a pas de terroir, il n’a que des idées. Emmanuel Macron n’a pas de patrie, il n’a que des rêves européanisés. C’est un Président élu d’un pays qu’il n’aime pas, qu’il cherche à effacer sur le plan international et qu’il méprise sur le plan national sans même le savoir, à dissoudre dans une Europe oligarchique où des milliardaires et des nationalistes la représentent aux côtés de Donald Trump, dont le seul rêve est de terrasser le peu de force qu’il reste à l’Europe.
Jamais, depuis la dernière guerre mondiale, les Françaises et les Français n’ont été autant humiliés. Et en premier lieu par ceux qui ont mandat de les représenter et de défendre leur honneur : les députés. Entre le populisme des nationalistes, l’ochlocratie de l’extrême gauche, la ploutocratie du centre, il n’y a qu’un point sur lequel ils se retrouvent : la volonté d’instrumentaliser le citoyen pour en faire l’accessoire de leur ambition, de leur rêve de gloire et d’un pays qu’ils élaborent dans des « brainstorming » feutrés, qui n’a jamais existé, n’existe pas et n’existera jamais.
La déconnexion est désormais élue, instituée, protégée
Un grand homme, écrivait André Gide, n’a qu’un souci : devenir le plus humain possible, disons mieux : devenir banal. L’emblème de notre pays est le coq. Coluche a dit un jour : « Savez-vous pourquoi les Français ont pris le coq pour emblème ? C’est parce que c’est le seul oiseau qui arrive à chanter les pieds dans la merde. » Depuis huit ans, les Français déchantent, parce que lorsqu’ils se sont fait entendre, par les Gilets jaunes, les millions de manifestants dans la rue, chaque fois, le pouvoir les a fait taire : par la violence, la stigmatisation.
Face aux insultes, face au mépris de classe, face aux ministres responsables mais pas coupables, face aux parlementaires ignorés du pouvoir, voire méprisés parce qu’ils n’ont que joué leur rôle de contrôle de la République, la France est aujourd’hui au bord de quelque chose. Les Français en ont marre.
Les Français en ont marre de faire face à des crises qui n’en sont pas. La crise n’est créée par personne
Les Français en ont marre de faire face à des crises qui n’en sont pas. La crise n’est créée par personne. La dette est créée par quelqu’un. Covid, confinements, dette, quoi qu’il en coûte, pénuries, les coupables sont identifiés, mais plutôt que d’être confrontés à leurs incapacités, ils sont éparpillés dans des institutions, des comités directeurs, des organes qui s’imposent comme des alternatives au peuple, qui prennent le pouvoir sur la démocratie et sont décorés de la Légion d’honneur, qui, à ce niveau d’indécence, finira par être inscrite au casier judiciaire.
Le peuple ne dit encore rien.
Que veut-il ? Décider lui-même, parler lui-même, qu’on lui accorde le plus large droit d’initiative référendaire populaire, qu’on lui donne le droit de compléter la démocratie représentative, qui le représente si mal, par de la démocratie directe. Non filtrée par les institutions de la déconnexion, de la caste dirigeante. À la Suisse, grande démocratie exemplaire infiniment moins déconnectée que la nôtre.
Les parlementaires ne disent encore rien. Que veulent-ils ? Pouvoir accroître leur puissance légitime face à l’administration en déclenchant des référendums mobilisant la voix forte des citoyens. Ils savent mieux que personne combien, sans le secours direct du peuple, les Bastilles administratives ne tomberont plus. Elles sont bétonnées, fermées de l’intérieur. Attaquons-les en démocrates authentiques.
L’Histoire de France nous a montré que notre nation n’a jamais renoncé. Que si les régimes passent, notre grande nation demeure. La France n’est pas dans les hémicycles. Notre démocratie est dans nos villes et nos campagnes. C’est là qu’elle doit se ressourcer. Et reprendre l’initiative républicaine.
Vive le référendum d’initiative citoyenne ou parlementaire !
Signataires :
Alexandre Jardin
Sénat : Alain Houpert, Sylviane Noël, Sylvie Goy-Chavent, Laurence Muller-Bron, Christine Bonfanti-Dossat, Sébastien Meurant, Daniel Laurent.
Assemblée nationale : Anne-Laure Blin, Éric Michou, Marc Chavent.