Bioéthique : Les questions que pose la loi bioéthique sont trop graves pour passer en force
Les 2 et 3 février derniers, en seconde lecture, le Sénat a profondément amendé le projet de loi bioéthique tel qu’il avait été voté par l’Assemblée nationale l’été dernier. Une Commission mixte paritaire a aussitôt été convoquée ; elle devrait se tenir mercredi 17 février.
Dans ce contexte, les Français ont le droit de savoir que le projet voté par l’Assemblée nationale ne porte pas simplement sur une question technique liée à la PMA, mais qu’il réalise une réforme générale de la filiation.
En effet, le projet de l’Assemblée crée un nouveau mode d’établissement de la filiation fondé sur une déclaration conjointe anticipée de deux femmes devant notaire. Cette démarche, qui vaut reconnaissance de l’enfant qui sera conçu par PMA avec donneur de sperme, permet aux déclarantes d’être inscrites comme mères sur l’acte de naissance de l’enfant.
Pour éviter de toucher ainsi à la filiation de droit commun, les sénateurs avaient modifié le texte de l’Assemblée et placé la question de la filiation de l’enfant à l’égard de la seconde femme sur le terrain de l’adoption : la femme ayant mis l’enfant au monde était reconnue comme mère en raison de l’accouchement, suivant l’adage « Mater semper certa est », sa conjointe pouvant adopter l’enfant.
L’Assemblée nationale n’ayant pas tenu compte en seconde lecture de ces corrections de sagesse apportées par le Haute chambre, le Sénat a revu à nouveau l’article 4 du projet de loi en seconde lecture, réitérant ainsi son refus d’une réforme de la filiation qui n’était ni justifiée ni connue des Français.
Les Français ont encore le droit de savoir que, sur les questions proprement bioéthiques, le projet envisage la création d’embryons génétiquement modifiés, de chimères homme-animal et de gamètes artificiels, la disposition actuelle de notre droit selon laquelle « la création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite » étant tout simplement supprimée.
Certes, à ce stade, le projet ne prévoit pas la possibilité d’implanter in utero des embryons humains génétiquement modifiés et donc de transmettre un patrimoine génétique modifié à la descendance des intéressés. Mais, une fois ouverte la phase d’expérimentation et d’apprentissage, la suite serait nécessairement la naissance d’êtres humains modifiés en vue de faire naitre des enfants indemnes des maladies visées. Les deux petites jumelles chinoises, génétiquement modifiées à l’état embryonnaire en vue de les rendre résistantes au VIH et nées en 2018, témoignent tristement de cette issue fatale.
Les embryons chimères, eux, seraient autorisés sous la forme animal-homme : la loi autoriserait l’adjonction de cellules embryonnaires humaines à l’embryon animal, sous prétexte de parvenir à développer des organes humains dans l’embryon puis le fœtus animal. Mais à quel prix ?
Quant aux gamètes, des scientifiques voudraient pouvoir en fabriquer à partir de cellules iPS, c’est-à-dire de cellules reprogrammées. Ils pourraient par exemple utiliser des cellules de peau et les « reprogrammer ».
L’humanité découvre chaque jour un peu plus l’appauvrissement de la biodiversité causé par le recours sans discernement à toutes les techniques disponibles sur le seul critère de leur rentabilité. Alors que le principe de précaution s’applique constitutionnellement à la santé, n’est-il pas grand temps de le mettre en œuvre aussi pour l’être humain afin que les mêmes erreurs n’aient pas les mêmes effets, cette fois-ci sur l’espèce humaine ?
La loi Grand âge et autonomie, la réforme des retraites et bien d’autres textes ont été reportés à la fin de l’état d’urgence sanitaire : comme l’a expliqué le porte-parole du Gouvernement, Gabriel Attal, ces deux réformes retraites et Grand âge « restent évidemment à l’agenda de ce quinquennat dès lors que la situation sanitaire nous permettra de les reprendre. Je pense que les Français comprennent bien que, aujourd’hui notre boussole, c’est évidemment la gestion de cette crise sanitaire » (compte-rendu du Conseil des ministres 13 janvier 2021).
Comment les Français pourraient-ils dès lors comprendre que le Parlement trouve encore le moyen de continuer à débattre du projet de loi bioéthique, jusqu’à réunir une commission mixte paritaire en raison des divergences majeures entre les deux chambres ?
Nous, Députés et Sénateurs de la République française, demandons en conséquence au Gouvernement le report de la Commission mixte paritaire à la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Une telle réforme ne peut être imposée dans les conditions actuelles, alors que les Français ne sont pas suffisamment informés et que l’ensemble du texte suscite une vive opposition entre les chambres du Parlement.