Ma contribution au rapport de la Commission d’enquête sur les manquements des politiques de protection de l’enfance
C’est au terme d’un travail parlementaire approfondi, de nombreuses auditions et contributions que le constat porté sur la politique de protection de l’enfance est irrévocablement sans appel. Le système est à bout de souffle. Anticiper les situations de vulnérabilité et accompagner les plus fragiles est pourtant un enjeu qui devrait être considéré comme fondamental.
Si les politiques de protection de l’enfance revêtent de multiples dimensions, trois points essentiels se dégagent : la nécessité d’une approche systémique et coordonnée des institutions (1), la formation et la valorisation de l’engagement dans les secteurs sociaux (2) et la garantie essentielle de la défense des intérêts des enfants et des parents (3).
1. La nécessité d’une approche systémique et coordonnée des institutions
La protection de l’enfance ne peut pas être envisagée comme une action isolée, mais comme un processus qui implique une coopération entre divers acteurs. A ce titre, le rôle dévolu aux conseils départementaux est essentiel et mérite un soutien résolu à leurs côtés de manière à ce que les politiques nationales n’entravent pas l’efficacité attendue de leurs actions de terrain.
Car si le travail en réseau entre les services sociaux, les juridictions compétentes, les structures sanitaires et éducatives, et les associations de protection de l’enfance est fondamental, cette coordination n’est aujourd’hui pas efficiente en raison d’un mille-feuille administratif illisible.
L’apparition d’une multitude d’entités telles – pour exemples non exhaustifs – que le Haut Conseil de la Famille de l’Enfance et de l’Age (HCFEA), le comité interministériel à l’enfance et dernièrement le Haut-Commissariat à l’Enfance mais également la multiplication des normes rendent à l’évidence impossible – en l’état – le partage clair et efficace des compétences d’une politique qui pour autant mérite une vision clairement définie.
A ce titre, il convient de porter une réelle politique familiale pour déployer une coordination de manière à ce que les personnels des différentes institutions soient déterminés à travailler ensemble et à partager les informations dans l’objectif de répondre aux besoins des familles et des enfants. L’accompagnement de cette priorité est un préalable indispensable à une gestion totale des problématiques vécues sur le terrain pour accompagner toutes les familles.
De la sorte que singulièrement, en ce qui concerne la protection des enfants, une approche globale soit mise en œuvre dans tous les domaines qu’ils s’agissent de la santé, de l’instruction, du développement psychologique, ou du suivi social afin de mettre en place des solutions enfin efficaces et surtout adaptées aux besoins avérés.
2. La formation et la valorisation de l’engagement dans les secteurs sociaux
Les professionnels impliqués dans la protection de l’enfance jouent un rôle clé dans la mise en œuvre des mesures de protection. Cela inclut une multitude d’acteurs qui remplissent la lourde mission d’intervenir auprès d’un public souvent vulnérable aux spécificités propres.
C’est pourquoi, envisager la gestion humaine des ressources doit être un impératif préalable.
S’il revient aux responsables publics de déterminer les modes d’organisation des services, la ligne devant guider ces décisions doit être une approche humanisante des situations délicates à appréhender de manière à permettre une objectivation des situations et trouver les solutions idoines appropriées.
L’orientation des professionnels et leur formation constituent un pilier fondamental, gage de qualité dans les secteurs sociaux. Car ces métiers nécessitent des compétences spécifiques, tant sur le plan technique que sur le plan relationnel. Ils requièrent aussi des dimensions éthiques et déontologiques, afin que les personnels puissent naviguer dans des situations complexes, parfois marquées par des conflits de valeurs ou des dilemmes moraux.
Il convient dès lors de réserver une attention particulière à une culture de l’engagement dans ces domaines touchant très souvent les intimités.
La reconnaissance et le soutien de l’ensemble des personnels (y compris les assistants familiaux souvent oubliés) doivent aussi être amplifiés. A ce titre, il faut assurer une nécessaire valorisation du travail effectué, tant à travers des conditions de travail satisfaisantes que des politiques de soutien à la santé mentale et au bien-être des professionnels. Car cet investissement humain est éprouvant, et l’épuisement professionnel est un risque réel.
Le renforcement de la motivation des professionnels et la restauration d’un climat de confiance n’en seront que meilleurs dans un secteur où les enjeux humains sont au cœur des préoccupations.
3. La garantie de la défense du contradictoire pour les enfants et les parents
Si l’implication des personnels est fort cruciale, ceux-ci doivent également toujours veiller à exercer leurs missions dans un cadre préservant les cellules familiales et les droits des familles.
Au titre de la loi, le placement est la solution de dernier recours. Pourtant, ce n’est clairement pas le cas dans la pratique. L’appel aux solutions de placements mérite non seulement une attention particulière mais également d’être également mise en perspective avec le très important chiffre des défauts d’exécution des décisions.
Constamment, il convient de veiller au juste équilibre de protection et de respect des droits des enfants et des parents pour garantir une réponse adaptée à chaque situation.
De nombreux témoignages relatent souvent l’impossibilité de contredire les constats posés par les services sociaux rendant l’exercice du contradictoire – pourtant principe fondamental – peu aisé.
Une réflexion à ce titre mérite d’être à juste titre posée sur les moyens et les leviers opérationnels nécessaires à une « objectivation » des situations conjointe à l’appréciation délivrée des services sociaux. Trop souvent, faute de moyens propres et suffisants du juge, l’ASE est omniprésente dans les procédures.
Développées inéquitablement sur le territoire national, les fonctions d’agents de médiation sont pourtant des atouts indéniables dans l’accompagnement des familles et des services judiciaires auprès des administrations.
Pour garantir un climat de confiance, parent ou enfant selon son âge et sa capacité de compréhension mérite la considération en étant informé des procédures en cours, des accusations ou des décisions qui le concernent, et en disposant du temps et des moyens pour y répondre.
Les choix relatifs à la séparation de l’enfant de sa famille, à l’ordonnance de placement ou à la suspension des droits parentaux doivent veiller à assurer les moyens de contester une décision, d’obtenir des explications sur les mesures prises et d’être accompagné tout au long du processus judiciaire ou administratif. Ce droit de contester et de défendre ses positions est essentiel pour préserver le droit à un procès équitable.
En tout état de cause, l’urgence des situations commande un changement d’approche indispensable commandé par le diagnostic, le pragmatisme et le bon sens des acteurs de terrain.
Consulter le rapport établi par le rapporteur (TOME 1 / TOME 2).